Au seul toucher des yeux…
Ces couleurs mises à nu
Pour le drame des temps lointains de la lumière
Lumière dans son ascendance pure
Avant les contours
Avant l’appétit dévorant des formes
Avant la blessure du seul désir de voir, de reconnaître, de saisir un pas sur le chemin, tendre un berceau, accueillir une nature…
Il y a cette longue fidélité du fleuve accouru jusque sous l’ombre des mains sur la toile II y a le va et vient, flux et reflux du pardon des couleurs à leurs frontières
II y a cet attendu d’une patrie des larmes sous les ruines de l’eau
La foudre des vents éclatant les reflets
Cette tourmente du réel qui donne et se fond dans le don
Toute la rigueur d’une aire de révolte entre la netteté du trait et l’incendie de sa trace… quand la nuit s’allume des espaces intermédiaires de l’errance et du geste de fuir
Depuis les marches de la lumière, remonte la couleur à ses corps de tempête, rassemblant eau et sable, clameur et silence, certitude et dépaysement, appel et non retour de l’histoire sur ses exils.
La peinture se fait pays de la naissance des eaux secrètes du regard.
Elle déjoue les séparations, dissout entre les yeux l’occupation des horizons que poursuivent nos projections successives.
Elle porte sur elle, son propre regard de terre solitaire, c’est-à-dire entière, prête
à recevoir tous les échos sensibles comme autant de sacres de ses compositions.
Le peintre tisse alors depuis les eaux passantes, une dramaturgie de l’effacement. Ce qui s’offre dans le tumulte des couches transparentes, décrit la danse du grand retrait sans qui, rien ne serait, n’apparaîtrait.
Du fond ouvert, offert de la nature en vagues incessantes, quelque chose nouvellement se retire : l’exil devient logis des ciels par qui s’enfuit et disparaît la terre qui s’était changée en eux.
En chaque œuvre pétrie des légendes de sa nuit, une mémoire accourt…
Un soleil s’incline pour toucher la plaie de l’œuvre…
Tapi dans l’ombre sur la toile, éclate ce coup de foudre pour le visage de chaque regard qui se pose.
La peinture marche le long d’un tel rivage jusqu’à ne plus de mémoire de toute plaie. L’œuvre s’épure par ce chant des eaux qui commencent un exil…
Exil des formes
Exil des linéaments
Exil des couleurs
Exil des rives du fleuve à mi-chemin du deuil et de la joie
Exil de l’ombre vers la lumière patiente des sites antiques
Où la plainte a le goût d’une offrande.
Philippe Tancelin, poète-philosophe Octobre 2005